LES TROIS ARGUMENTS DES PRO-DECHEANCE DE GAUCHE

Dans le débat sur l’extension de la déchéance de nationalité aux Français de naissance quand ils sont binationaux, les intervenants qui soutiennent la proposition présidentielle et se recommandent de la gauche développent trois arguments : le « vrai » peuple y est favorable ; la déchéance de nationalité existe déjà dans les textes ; les excès des anti-déchéance les discréditent.

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Pardon de l’écrire sans guillemet, mais le premier argument est populiste au sens le plus caractérisé du terme. Il consiste à délégitimer les adversaires de cette proposition en les présentant comme des intellectuels fumeux déconnectés du vrai peuple supposé acquis à la mesure. C’est une préoccupante démission devant la confusion sondagière qui empoisonne la vie démocratique depuis des décennies et qui devra bien un jour être mise à distance. Il n’est d’ailleurs pas du tout certain qu’un vrai débat, honnête et droit, aboutisse au résultat que les sondages photographient dans l’instant. Lors des élections régionales, les électeurs de chair et de conviction ont déjoué l’évidence des « chiffres ». Et je fais chaque jour l’expérience d’échanges d’arguments qui amènent les esprits à se comprendre et à bouger. Une chose est sûre en tout cas : ceux qui tiennent cette position sont très très déconnectés des trois millions et demi de Français de naissance qui possèdent une double nationalité et qui appartiennent souvent à la partie la plus populaire du peuple. Au point qu’on se demande comment ces analystes en contact direct avec le « vrai » peuple ont pu trouver dans le concret les filtres qui épurent la réalité au point de lui donner l’uniformité d’une statistique.
Le second argument porte sur le fait que la déchéance de nationalité est une disposition qui existe déjà dans les textes.

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LE DISCOURS QUE N’A PAS PRONONCE FRANÇOIS HOLLANDE

Dans ce texte, malheureusement fictionnel, j’imagine ce qu’aurait pu dire le président de la République à la suite des attentats du 13 novembre 2015, s’il avait annoncé l’inflexion sécuritaire de sa politique sans toutefois emboîter le pas au Front national et à la partie de la droite qui le mime sur la déchéance de nationalité. Je ne partage pas l’option répressive développée dans ce discours imaginaire. J’ai seulement tenté, pour voir, de me mettre à la place d’un président convaincu de sa nécessité, mais ferme sur la défense de principes essentiels qui fondent la capacité de la République à résister aux agressions, d’un président attentif à l’inquiétude de compatriotes fragilisés par les amalgames racistes qui pullulent.

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Chers compatriotes

Notre pays vient d’être victime d’une agression atroce, meurtrière, une agression commandée depuis l’étranger. Au delà des vies détruites, les agresseurs visaient la singularité même de la France, notre histoire républicaine, notre art de vivre. Dans une telle circonstance, un puissant réflexe pousse notre peuple à se lever comme un seul homme et à faire front. Placé par le suffrage populaire à la tête de l’Etat, j’ai voulu que cet élan partout manifesté trouve sa traduction dans la vie politique et institutionnelle de la Nation. J’ai invité toutes les forces politiques dans lesquels les Français se reconnaissent à m’informer de leurs analyses et de leurs propositions. Je l’ai fait avec le dessein de définir l’action de l’Etat de telle sorte qu’elle puisse réunir derrière elle le plus grand nombre de consciences citoyennes. Les formes de la résistance à la barbarie terroriste dépasseront les délimitations habituelles de la droite et de la gauche. Elles obligeront chacun, moi le premier, à concourir à des mesures qui embrassent des opinions habituellement éloignées, parfois hostiles. Cet effort concret et partagé d’unité nationale est la réponse adéquate aux objectifs des meurtriers pour une raison très simple : elle réunit nos forces.

A la suite de ces rencontres, j’ai donc modifié et infléchi la politique de l’Etat dans des directions où certains de ceux qui m’ont élu auront un peu de peine à retrouver dans sa pureté leur vision de la société. Lire la suite

LETTRE A UNE AMIE TENTEE PAR LE VOTE FRONT NATIONAL

Chère amie,

J’ai compris, lors de notre dîner de l’autre soir, qu’aux élections prochaines, tu étais tentée de voter Front national. J’en ai été surpris, parce qu’il nous est arrivé dans le passé d’être politiquement relativement proches. Et j’essaye de comprendre. Tu vis dans une bourgade que je connais bien dont la quasi totalité des habitants se définissent spontanément comme « Français de souche ». 

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Des Blancs quoi, avec des noms du terroir. Des gens « comme toi et moi ». Le FN y fait régulièrement 45 % des voix (dont la tienne ?) Je t’ai interrogée sur ce vote marqué par la crainte de l’immigration dans un bourg où on ne la voit pas. Tu m’as répondu ceci : « Le mois passé, je suis allée à Paris. J’ai pris le métro, la ligne 2 entre Montreuil et Barbès. J’ai regardé le visage des gens. J’ai compté. J’ai eu le sentiment de ne plus reconnaître mon pays. Ça m’a fait peur. » J’ai eu un peu de mal à te faire dire clairement ce qui, sur ces visages, provoquait le sentiment de n’être plus chez toi. Tu sais bien qu’une partie de ma famille n’a pas ce que les gens de ton coin qualifieraient de visages « bien de chez nous ». Mais je l’ai dit à ta place – visages noirs, type arabe, yeux bridés – et tu as acquiescé. Puis j’ai évoqué avec toi le visage de mon fils, dont la maman est malienne, et tu m’as répondu : « Oui, mais lui, c’est différent ». J’ai ri. J’étais fatigué. Nous en sommes restés là. Lire la suite