Aliou, Lucien, Zénaba… La crise centrafricaine est ponctuée de tragédies qui placent chacun devant les enjeux essentiels de l’existence humaine. Elle porte à son paroxysme le défi de la reconstruction et de l’autonomie qui hante toute l’Afrique post-coloniale. Les questions spirituelles, morales, culturelles, politiques s’y enchevêtrent. Voici un récit qui dit beaucoup du pays que visite le pape François.
Lucien Dambalé se tient souvent assis dans le calme fraternel de la Tuilotte, petit café excepté des violences et situé au cœur de l’Alliance française de Bangui. Je l’y croise régulièrement lors de mes séjours dans la capitale centrafricaine. Le vieil homme ne paye pas de mine, mais c’est un trésor vivant. Dans une République centrafricaine déchiquetée par la haine et la méfiance, la mémoire, qui rassemble, s’est comme évaporée. Pas la mémoire de Lucien. Elle réunit et conserve notamment d’innombrables contes[1] que les enfants appellent en criant « mbayé…é, mbayé…é », une histoire, une histoire ! Lucien est un des derniers chrétiens à habiter encore le KM5, quartier où vivent retranchés la plupart des musulmans banguissois. Il y a quelques jours, une rumeur vient déchirer le calme de la Tuilotte : Lucien a été tué. Lire la suite